J’ai
toujours été un explorateur urbain, j’aime marcher et découvrir les villes. Il
est 10 heures du matin un dimanche de pâques et j’ai cette envie indicible
d’aller en découdre avec Montevideo. Je me suis réveillé excité à l’envie de
fouler chaque rue qui me conduira de chez moi jusqu’à la plaza independencia.
Il
est 10 heures, le ciel est voilé, il me rappelle lorsque je partais à la
découverte de Shanghai ou Hong Kong, je prends la porte.
Pas
question de longer le bord de mer aujourd’hui, je veux me perdre dans le dédale
des rues quadrillées. Je longe d’abord les murs de l’ancienne prison, à moins
de cinquante mètres de la mer, de quoi rêver d’évasion ! Aujourd’hui trône
un imposant hôtel Sheraton et un grand centre commercial là où s’élevaient
autrefois les remparts.
Entre
chez moi et la plaza independencia, aucun but réel, aucun plan en tête, juste
l’envie d’aller au gré des rues. Le temps se découvre au fil de mes pas. La
lourde chape grise glisse sur le fleuve océan et laisse apparaître la ville
sous un soleil éclatant et un ciel délavé.
Derrière
les grilles d’un jardin, un canon miniature, une urne et une statue paraissant un
Dionysos tout en poitrine. Un air de mystère qui me rappelle un livre lu dans
mon enfance : la Vénus d’Ille.
Dimanche
de pâques, les rues sont assez désertes. Tout le monde a du profiter de ce jour
pour dormir, à moins que les préparatifs s’organisent déjà pour cet évènement qui réunira les familles au déjeuner. J’ai cette sensation agréable que la
ville se réveille avec moi. Peu à peu j’aperçois les premiers footings, les
gens qui entrent et sortent des magasins, les cafés sont ouverts et les restos s’apprêtent
à recevoir.
Il
est 11 heures et c’est le rush, le rythme et le trafic s’accélèrent, le nombre
de voitures, motos et bus sans âge décuple. Je passe des boulevards aux rues
plus étroites et si typiques de Montevideo. Des maisons basses et colorées, un
étage comme point culminant et une foule de détails et d’ornements à observer.
Ce
sont des quartiers beaucoup plus calmes et je croise peu de gens. Dans une rue,
un vendeur de journaux ambulant annonce les titres en criant. J’ai l’impression
d’un personnage fantastique clamant les nouvelles du jour dans une ville
fantôme. Cette phrase d’Allain Leprest me vient :
« Il est l'heure où
les chats se couchent/Un accordéoniste aveugle / Ecoute le doigt sur la touche / Le big bang avant le
grand bug ».
En réalité les portes s’ouvrent sur des intérieurs frais et
les clients sont au rendez-vous.
Je
marche à l’intuition, sélectionnant l’itinéraire à l’aspect des maisons ou à un
détail qui m’interpelle. Après une longue traversée de ces rues étroites je
rejoins un grand boulevard, 18 de Julio.
Là c’est l’effervescence, certains
manifestent contre un projet de mine à ciel ouvert, d’autres boivent
l’indissociable maté sur les marches d’une université, les églises battent leur
plein en ce jour saint et les odeurs de tabac, viande grillée et pot d’échappement
se mêlent allégrement.
Puis
un marché, en réalité l’ultime section du gigantesque marché dominical de
Tristan Narvaja. Je vous le ferai découvrir un jour via un article, car il vaut
vraiment le détour. Je me ressens dans l’ambiance des villes surpeuplées, on
marche en piétinant au milieu de la foule métissée, de bruits en tout genre
(voitures, cris d’animaux, vendeurs à la sauvette, commerçants tentant
d’attirer l’attention et le crépitement de milliers de conversations…), et
d’étals innombrables (livres dans toutes les langues, animaux, vieilleries sans
valeur, trésors cachés, plantes, fruits et légumes, vinyles et encore toute une
foule d’objets intrigants).
Le
reste du boulevard nous replonge dans le temps passé, il faut lever la tête
pour s’imaginer le Montevideo des années 30. L’époque où le Palacio Salvo était
le bâtiment le plus haut d’Amérique Latine et où la ville incarnait le
modernisme et l’élégance: un joyau au bord du fleuve, le Montevideo de la belle
époque.
Un
autre rassemblement a lieu, les gens attendent avec impatience l’arrivée des
coureurs de la Vuelta Ciclista dont c’est le jour de l’ultime étape. Je m’en
désintéresse, la tête levé sur les façades art-déco et les coupoles des anciens
bâtiments.
Enfin, j’arrive sur la Plaza Independencia, je me joins aux
touristes, immortalise le moment puis redescend le long des berges du fleuve,
car tout commence et termine ici. La ville, elle, ne m’a heureusement pas encore
tout révélé, en attendant, la chape de plomb a refait surface...
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